Réduction des legs en usufruit : cas des couples non mariés

Publié le par simehtimmopatriiraton

Comment organiser la protection du survivant dans les couples non mariés?

 

La promotion du conjoint survivant par les lois du 3 décembre 2001 et du 23 juin 2006 (article  764 du code civil avec le droit impératif viager au logement, mais également par le droit légal supplétif d’option pour l’usufruit universel des biens existants dans la succession, la réserve du conjoint de l’article 914-1 en l’absence de descendants..) n’a pas dissipé l’intérêt des techniques de libéralités entre époux.

L’article 1094-1 du Code civil bien connu du notariat organise une quotité disponible spéciale entre époux  qui va donc grever la réserve des descendants s’il en est :

 

« Pour le cas où l'époux laisserait des enfants ou descendants, soit légitimes, issus ou non du mariage, soit naturels, il pourra disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement. »

 

Avec la donation de biens à venir et le testament, il est fréquent d’organiser pour la survivance de son conjoint son libre usage et sa jouissance du patrimoine restant et en premier lieu celui du cadre de vie.

 

L’intérêt de ces libéralités est persistant et renouvelé :

- persistant car a contrario de ce qu’estiment fréquemment les notaires, l’usufruit conventionnel porte sur une assiette plus large que celui de l’article 756 du code civil qui ne portera que sur les biens existants

- renouvelé car existe une faculté de cantonnement au visa de l’article 1094-1al2 et 1002-1 du code civil qui permettra au conjoint de limiter l’assiette de la libéralité qui lui a été consenti sans que cette technique soit considérée comme une donation.

 

Adossé au mécanisme des avantages matrimoniaux, la protection successorale du conjoint survivant peut semble-t-il être parfaitement affinée, si tenter que le notaire fasse preuve d’une bonne ingénierie successorale.

 

Il en va tout autrement dans les couples non mariés : partenaires pacsés ou concubins.

En effet, en l’absence de dispositions légales organisant une protection efficace du survivant de ces couples il est impossible d’organiser une protection pleine et entière en présence de descendants sauf RAAR.

 

En effet, rappelons qu’en présence de descendants, la réserve constitue le rempart d’ordre public quant à la libre disposition du patrimoine. Dans un certain sens, c’est heureux, mais pas pour le concubin ou le partenaire survivant. L’article 913 du Code civil va donc donner la limite de la protection pour ce survivant : en présence d’un enfant il aura droit à la ½ du patrimoine de son partenaire au plus, en présence deux enfants 1/3, en présence de 3 enfants et plus ¼..

La situation est d’autant plus fréquente qu’il existe une proportion croissante de familles recomposées et nombre de couples prennent avant tout la forme de PACS, la tendance s’accentuant. En outre, le concubinage du grand âge se développe après des mariages déchus voire déçus.

A noter que le  Congrès des notaires qui s’est tenu à Bordeaux l’an dernier a expressément refusé d’organiser une quotité disponible spéciale au partenaire survivant…le PACS ne constitue pas selon les notaires un cadre juridique devant organiser la protection du survivant a contrario du mariage.

 

A cela doit-on ajouter la problématique du logement et la nécessité d’assurer un cadre de vie au survivant. Les articles  764 et 763 du Code civil sont dans la droite ligne de cette prise de conscience, l’article 763 étant, rappelons le, supplétif pour le pacsé survivant.

 

Il faut organiser une protection  volontaire du concubin,  du pacsé survivant(II) mais avant d’essayer de répondre à ces questions il convient d’analyser la réductibilité des legs en usufruit (I).

 

I Réductibilité des legs en usufruit

 

(Cette première partie reprend la trame du travail d'Alain Faure, notaire à Colomiers , "Couples non mariés : limites du legs en usufruit" lors des Journées notariales du Patrimoine du 20 et 21 septembre 2010 à l'Université Paris Dauphine; des développements personnels y sont adjoints)

 

            Est-ce que la réserve est atteinte ?

 

1 Techniques d’imputation possible

 

Il existe trois techniques possibles :

- celle de la comparaison des revenus, une analyse économique déterminant la rentabilité des biens.

         - celle d’imputation en valeur qui s’effectue via une conversion de l’usufruit en capital grâce à l’évaluation fiscale ou économique; ce qui en somme est un prolongement de la précédente. Le tort est que cette analyse est celle qui est la plus souvent effectuée par les notaires et ceci en méconnaissance d’une jurisprudence constante.

Et pourtant, elle aurait pu s’avérer intéressante pour les concubins et partenaires dans l’objectif d’obtention d’un usufruit.

            -celle de l’imputation en assiette : la technique a été consacrée par un arrêt  Civ 1ere 19 mars 1991, a été confortée par une doctrine majoritaire :

Les profeseurs Grimaldi, Champenois pour qui «  lorsqu’elle protège les héritiers contre des personnes qui ne viennent pas effectivement à la succession en cette qualité, la réserve est en nature et la réduction des libéralités, qui en constitue la sanction, présente le même caractère ».

Les juristes du Cridon Bordeaux-Toulouse : la volonté du disposant a peut être également été de ne disposer dans le cadre d’une libéralité en usufruit que de son usufruit disponible et de conserver la libre disponibilité de la nue propriété de la quotité disponible. 

 

                        2 Utilisation de l’imputation en assiette

 

Au stade de la mise en œuvre, il faut démembrer le secteur d’imputation.

Prenons un legs en usufruit d’un appartement à usage d’habitation valant 300 par un partenaire à sa compagne.

La masse de calcul de la QD = 300 il y a deux enfants donc la QD = 100.

Ici, la valeur de l’usufruit du logement est plus importante que la valeur de l’usufruit de la QD.

 

Dès lors on observe que le partenaire survivant suite à cette imputation en assiette verra bien souvent sa protection disparaitre à la mesure de la réduction de la libéralité qui lui a été consentie.

Combien de fois observe-t-on des legs universel en usufruit au survivant des partenaires?

 

 

Conseil à donner :

Il serait opportun de conseiller au notaire de

- limiter ab initio l’assiette du legs en faisant porter l’usufruit sur un nombre d’objet limité :  la résidence principale ou une somme d’argent (quasi-usufruit)…

- organiser l’ordre d’imputation des legs.. en effet dans un testament comprenant usufruit universel; peut être serait il opportun que l’usufruit sur la résidence ppale s’imputera avant les autres.. Il est possible de donner un ordre d’imputation  (article 927 code civil)

 

 

B Comment sanctionner l’atteinte à la réserve ?

 

            1 Réduction en nature ou en valeur ?

Toute l’hésitation vient des modalités de la réduction : en nature ou en valeur ?

L’article 924 du code civil dispose depuis la loi de 2006 la principe d’une réduction en valeur ce qui amende substantiellement la conception de la réserve et donc a priori de la famille dans sa composante patrimoniale. Les héritiers ne sont plus titulaires que d’un droit de créance.

Il existe cependant deux exceptions l’article 924-4 et 924-1 du Code civil où la réduction peut être en nature.

 

En ce qui concerne le partenaire survivant on dira qu’à la limite peu importe dans la mesure où l’assiette de la QD serait déjà dépassée. Dès lors qu’il y a réduction, quelle soit en valeur ou en nature le mal est fait. Hé bien peut être pas, car si le partenaire dispose de liquidités il pourra très bien profiter des bienfaits de l’article 924 du code civil et ainsi conserver le bien en nature, résidence principale le plus souvent (ce qui l’appauvrira néanmoins.)

A contrario l’article 924-4, l’imposera en cas d’insolvabilité, à une réduction en nature qui créera ainsi une indivision en usufruit sur le bien. Position fâcheuse en l’occurrence surtout en cas de mésentente, possible en cas d’enfants non communs (situation fréquente des familles recomposées). La solution sera dès lors organisée par l’article 817 du code civil

« Celui qui est en indivision pour la jouissance peut demander le partage de l'usufruit indivis par voie de cantonnement sur un bien ou, en cas d'impossibilité, par voie de licitation de l'usufruit. Lorsqu'elle apparaît seule protectrice de l'intérêt de tous les titulaires de droits sur le bien indivis, la licitation peut porter sur la pleine propriété. »

Cantonnement sur un bien ou licitation de l’usufruit les solutions ne sont, dès lors, guère satisfaisantes pour le survivant…

 

                        2 Le cas particulier de l’article 917 code civil

Il existe un article qui permet une réduction en nature et pour lequel la doctrine milite pour une application généralisée et pour une limitation de ses conditions.

 

Celles-ci sont actuellement au nombre de 5 : la libéralité a pour objet un droit d’usufruit, la réserve est fixéee en PP (condition obsolète depuis 2007), réserve fixée en pleine propriété, libéralité excessive, article 917  non écarté par le disposant

Les réservataires ont alors deux options :

            -soit la QD en PP pour le gratifié

            -soit l’exécution de la libéralité : les réservataires acceptent dont de voir leur réserve grevée de l’usufruit donné.

 

Aussi au-delà des recommandations aux praticiens concernant l’organisation des legs en usufruit, peut être serait il intéressant de prévoir d’autres formes de libéralités permettant d’organiser la protection, ne serait ce que du cadre de vie, du survivant.

 

 

II Efficacité de techniques de protection alternatives

 

En ce point, il serait intéressant d’envisager des techniques qui permettraient au survivant d’avoir : un gain de survie pécuniaires et plus fondamentalement un logement pour le restant de sa vie.

On peut donc chercher au delà d'un démembrement du bien objet de la protection un aménagement de charges ou conditions.

 

            -L’application de l’article 917 CC … si applicable…cf 5 conditions

            -Donations avec charges classiques

                        les classiques : la charge pèse sur les héritiers légaux

La libéralité est faite aux profits des successibles mais à charge pour eux de consentir un droit d’usage sur ce bien ou à charge pour eux de louer au survivant.

 

                        les  libéralités substitutives : la charge pèse sur le partenaire survivant

Pourquoi ne pas organiser un legs graduel de l’usufruit pour la moitié et pour l’autre moitié un legs en usufruit classique..

Ainsi, la charge de rétrocession minorerait la valeur du legs… ? Est-ce envisageable ? Peut être pourrait on plutôt privilégier le cadre d’une donation rémunératoire ?

Pourquoi ne pas faire une donation globale ?

 

             -La RAAR couplée a un legs en usufruit et éventuellement une donation-partage.

Au-delà d’une renonciation a posteriori des enfants à leur action en réduction conditionnée par leur bon vouloir, peut être aussi serait il opportun de prévoir une renonciation anticipée à l’action en réduction au sens des articles 929 et suivant du CC.

Pour équilibrer ladite renonciation une donation-partage serait nécessaire pour conforter le droit de chacun sur les biens qu’ils désirent (et notamment en nue propriété) et ceci, en cas d’entente, bien entendu.

L’utilisation de l’assurance-vie pour équilibrer ?

 

 

            -Pour les Pacsés : l’avantage pacsimonial ? cas de l’indivision spéciale d’acquêts de l’article 515-5-1 Code civil

In fine : aucune action en complément de part n’est recevable du partenaire qui a le moins contribué. C’est un vrai gain accordé au partenaire.

A conseiller à des concubins qui hésitent à se pacser.

 

Utilité de l’attribution préférentielle prévue par testament également ! Mais à charge de dédommager les héritiers…

 

            -Convention d’indivision sur l’usufruit art 1873-13 code civil

Il faut une indivision préalable, certes, entre concubins.. mais cette technique permettrait d’attribuer la quote part d'usufruit du défunt à hauteur de la QD et d’acquérir le surplus de cette quote part à charge d’en tenir compte à la succession.

 

            -La clause de tontine

            -Le démembrement croisé sur les parts d’une SCI

            -le cantonnement 

 

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