Intérêts familiaux de la libéralité résiduelle en faveur d'un enfant handicapé

Publié le par simehtimmopatriiraton

La libéralité résiduelle est une institution ancienne consacrée par la jurisprudence au travers du legs de residuo (Cass Civ 1ere 27 juin 1961). La loi du 23 juin 2006 l'a introduite dans le Code civil aux articles 1057 et suivants aux côtés d'une autre libéralité substitutive d'essence fiduciaire: la libéralité graduelle (nous reviendrons dans un prochain article sur l'application de cette dernière).

 

Explications

 

Le principe pour la libéralité résiduelle est le suivant: le disposant (donateur ou testateur) transmet à un premier gratifié tels biens ou tel quotité de biens de son patrimoine, et à un second gratifié, au sein du même acte, les biens subsistants au décès du grevé. Les deux gratifiés ont donc un droit actuel existant mais le second à la différence du premier ne voit son droit, dont il ne connait l'émolument exact , s'ouvrir qu'au décès du grevé.    

Ainsi à la différence de la libéralité graduelle, le premier gratifié n'est pas redevable d'une obligation de conservation, il a juste une obligation de transmission du reliquat (supérieur ou inférieur à l'émolument recu du premier gratifié). Il va pouvoir ainsi consommer les biens donnés ou légués sans pour autant pouvoir léguer lui même ces biens (il peut également être stipulé dans l'acte constituant la charge une interdiction de les donner entre vifs).

L'intérêt d'un tel dispositif ne peut se démentir: l'enfant handicapé aura les moyens de sa subistance avec une masse de biens éventuellement gérée par un mandataire ad hoc (ex tuteur, curateur..). Celle ci générera des revenus qu'il percevra lui même sans l'intermédiaire d'un proche et donc sans la fiscalité afférente liée notamment aux pensions alimentaires. A son décès, dans l'hypothèse d'une absence de descendance, les biens  subistants seront transmis au second gratifié.

D'un point de vue civil on comprend l'intérêt d'effectuer une telle libéralité à un individu sans descendance: la réserve pourra effectivement être atteinte volontairement par la charge et permettra ainsi de gratifier l'enfant handicapé avec une charge portant également sur sa réserve héréditaire. Ainsi, l'obligation de transmission fonctionnerait a priori sans l'ombre d'une difficulté. Il en irait différemment si cet enfant avait une descendance, en ce cas la réserve prise au niveau de la souche grevée serait atteinte, la charge aura une vertue exhérédante des enfants et ceux ci pourront inévitablement exercer une action en réduction.

D'un point de vue fiscal, le législateur a souhaité favoriser l'usage d'un tel procédé par la mise en oeuvre à l'article 791 bis CGI d'un double mécanisme: d'une part, une taxation classique du premier transfert de propriété puis une taxation lors de la seconde transmission (c'est à dire entre le premier gratifié handicapé pour le cas d'espèce et le second gratifé) au tarif prévu en fonction du lien de parenté entre le disposant et le second gratifié et d'autre part une imputation des droits antérieurement payés.

 

 

Applications

 

Pour une application chiffrée on considérera le cas suivant:

M, non marié, a un patrimoine de 400, il a trois fils, dont l'un, mineur, est handicapé (maladie génétique). Monsieur décide de faire au sein d'une donation-partage de 100 à chacun de ses trois enfants : avec une charge de transmettre pour l'enfant handicapé à ses deux freres par parts égales.

Au civil, on respecte l'égalité entre les enfants et celui, handicapé, qui supporte la charge ne va pas "cantonner" du fait que celle ci grève sa réserve. Il n'a de plus par hypothèse pas de descendance.

Au fiscal, les abattements légaux au titre des droits de mutation à titre gratuit sont  consommés (hypothèse ici 50 = 159 325euros). On retient en effet comme hypothèse que cet enfant ne rentre pas dans les conditions d'application de l'abattement sépcial en faveur des donations en ligne directe au profit des enfants handicapés: postulons qu'il est soit qu'il est apte à acquérir une formation, soit qu'il "apte à se livrer dans des conditions normales de rentabilité, à une activité professionnelle". Chacun paie des droits, selon le barême des droits de mutation à titre gratuit en ligne descendante, sur un volume de 50 soit 20% x 50=10.

Son état se dégradant, les dépenses de soins s'accroissent, l'enfant malade va consommer son patrimoine dont le residuum (reliquat) à son décès 16 ans plus tard est de 80. 

Au civil, le residuum sera transmis par parts égales aux deux autres enfants soit 40 chacun.

Au fiscal, en fonction du lien de parenté existant entre le disposant et les second gratifié (article 791bis CGI) et compte tenu de la règle du rappel fiscal de 15 ans (maj 2013) avec la régénération des abattements (article 784 CGI), ceux ci vont bénéficier de l'abattement légal. L'assiette taxable sera ainsi réduite à zéro. 

Maintenant, si le décès a lieu avant les 15 ans: les deux enfants subisistant ont déjà consommer leurs abattements et l'enfant handicapé aura payé des droits sur 50.

Chacun  des deux enfants recoit donc 40, on applique le barême des drois de mutation à titre gratuit en ligne descendante: ils vont donc être taxés à hauteur de 20% soit (20%x40)  soit des droits de 8.

Sur ces droits on imputera les droits déjà payés par le grevé soit 10/2= 5 (et oui car chaque enfant est désigné comme second gratifié à hauteur de la moitié du résiduum).

Chacun paiera donc 8-5=3 de droits.

 

Une autre hypothèse serait celle où le patrimoine aurait fait l'objet d'une plus-value: en ce cas la taxation devrait effectivement porter et de facon indépendante sur cette plus-value. 

Dans l'hypothèse ci dessus: le bien de 100 vaut au décès du grevé 150. Il va être imputé la taxation par l'enfant handicapé au titre de la première mutation. En considérant que le décès est intervenu avant les 15 ans(rappel fiscal), on aura ainsi une imposition de 75x20%= 15 pour chacun des enfants subistants.

Montant de droits sur lequel il pourront imputer 10/2=5 de droits, au titre des droits déjà payés par le grevé handicapé.

Ce qui leur fait des droits de 15-5=10 à payer chacun. 

 

Conclusion

La libéralité résiduelle présente ainsi un sérieux atout dans certaines situations familiales. On pourrait pour aller, plus loin, envisager des situations plus affinés et notamment en combinant une charge résiduelle avec une condition résolutoire de non survenance d'enfant...Serait-elle envisageable? Elle permettrait, en tout cas, d'éviter les problèmes de réserve sus-évoqués.

Ces intérets en terme de gestion familiale des patrimoines se révèlent également avec la libéralité graduelle ce que nous verrons prochainement.

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