La cause et la caducité du testament

Publié le par simehtimmopatriiraton

Commentaire de l' Arrêt n° 1160 du 15 décembre 2010 (09-70.834) - Cour de cassation - Première chambre civile

 

La théorie de la cause a fait couler beaucoup d'encre doctrinale et estudiantine sans pour autant avoir épuisée l'objet de se sujet. Néanmoins en matière de testament, libéralité à cause de mort, la cause subjective, concept issu de la fameuse distinction de Maury, emporte ici peut être plus qu'en une autre espèce un substrat psychologique inévitable qui n'est pas sans faire perdre parfois à certains magistrats du fond de leur jugement.

 

Cet arrêt de cassation est rendu au visa des articles 1131, 1039 et 1041 du Code civil.

Dans l'affaire, trois phases libérales sont intervenues:

       -une donation par les époux, par acte notarié du 19 mai 1994, à deux de leurs enfants, les consorts X..., d'un fonds de commerce

      -deux  testaments authentiques du 5 avril 1995, avec les dispositions suivantes : "En 1994, j'ai donné à mes deux enfants M...-J...ne et J...-D... mes droits sur un fonds de commerce de restauration sis à Ajaccio (...). Dans l'acte de donation ce bien a été évalué pour sa totalité à six cent mille francs (600 000 francs). Conscient(e) que la valeur de ce bien est beaucoup plus importante et ayant le souci de conserver l'équilibre entre mes enfants, je lègue à P...-J... X... et à P... X..., mes deux fils, la plus forte quotité disponible dont la loi me permet de disposer en leur faveur (...)"

       -une donation par acte notarié des 20 mars et 18 avril 1996, par les consorts X... à leurs parents, du fonds de commerce dont ceux-ci les avaient précédemment gratifiés en 1994 ;

Les parents sont décédés, les consorts X ont assigné leur frère en caducité des testaments en raison de l'absence de cause résultant de la restitution à leurs parents du fonds de commerce dont ils avaient été gratifiés par donation du 19 mai 1995 et qu'ils ont restitué en 1996 

Selon la Cour d'appel, les testaments sont caducs, les actes indiquant expréssément  la volonté d'assurer l'égalité des quatre héritiers.

Le pourvois en cassation des consorts X se fonde sur l'absence de volonté contraire des testateurs. Les juges du fond aurait dès lors eu une interprétation extensive des causes de caducité.

La cour de cassation casse l'arrêt d'appel, ladite caducité ne reposerait sur aucun fondement.

On identifie ici avec pertinence l'intérêt de la cause dans les contrats, cependant l'oeuvre interprétatrice desdits actes par le prêteur ne doit pas aboutir à extrapoler la volonté du disposant.  Celui ci, jusqu'à sa mort, peut modifier son testament.

Rappelons, en effet, que le testament demeure librement révocable ce qui doit inciter à privilégier, au delà de la cause subjective, la non expression de la volonté contraire des testateurs postérieurement à leur gratification.

 

Pour être plus précis, on peut être tenté d'approuver cette décision en arguant du caractère primordial de l'expression de la volonté en matière testamentaire tout en émettant deux hypothèses à vocation de gestion patrimoniale.

D'une part, il serait dangereux de ne pas prendre en considération le fait que les disposants ont pu omettre la présence de ce testament et l'efficacité de la stratégie mise en place. Mais "de non vigilantibus non curat praetor"?!

D'autre part, dans une perspective de perfection du contrat, il pourrait être intéressant pour le notaire d'intégrer a priori une condition suspensive dans le testament pour pallier le risque de donation "en retour" mais aussi de bien mentionner, a posteriori, à ses clients l'intéret de remettre de l'ordre dans leurs dispositions testamentaires.

Ici comme ailleurs, le notaire a une place essentielle dans la gestion globale de la stratégie de transmission. Un acte mal encadré peut modifier  l'équilibre général prévu ab initio.. la volonté du disposant gouvernant, dans une certaine mesure, jusqu'à la mort ou l'inaptitude, l'architecture de sa transmission successorale.

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